ThéâtreL'Afrique se dévoile sur nos scènes
Les spectacles tissant des liens avec l'Afrique subsaharienne se multiplient. Et s'affranchissent des clichés qui collent à la peau de ce continent truffé de richesses culturelles.
«L'Afrique est un grenier de richesses spirituelles et culturelles.» La formule de Saïdou Abatcha, humoriste poète camerounais naturalisé Français, résume la luxuriance de formes scéniques et littéraires, de savoir-faire multiples que les artistes du vaste continent africain ont à offrir à la scène théâtrale européenne.
Peu à peu, des liens se tissent. Rien que le mois prochain, les deux théâtres «jeune public» de Lausanne inviteront les contrées subsahariennes sur leurs planches: au Petit Théâtre, des comédiens béninois et suisses revisiteront La farce de Maître Pathelin ; au Théâtre de Marionnettes, La fortune de Jeanne , conte musical créé par la Cie de l'Aurore (F), dévoilera l'art du maître togolais Kanlanfeï Danaye, artisan de personnages formés de calebasses, de bois et de détritus.
Sortir des stéréotypes
Ce grenier métaphorique renferme des légendes extraordinaires, des histoires, des peuples et des langues multiples. Une matière infinie d'explorations, de réinterprétations, de variations possibles. Pas question pour autant de figer le continent dans ses coutumes ancestrales et ses clichés postcolonialistes. «Il faut sortir des stéréotypes, comme le fait par exemple Marielle Pinsard (lire ci-contre), insiste Vincent Baudriller, directeur du Théâtre de Vidy. Dans On va tout dallasser Pamela, elle pointe la complexité, nous explique qu'il faut regarder les choses autrement.»
À Vidy justement, le binôme allemand Gintersdorfer/Klassen braquera notre regard sur une autre Afrique, moderne, frémissante, celle du coupé-décalé, danse bling-bling créée en résistance à la crise en Côte d'Ivoire puis introduite par la diaspora ivoirienne dans les boîtes parisiennes branchouilles (La Jet Set, du 18 au 21 avril).
Révéler l'Afrique par la légèreté, le rire. «On parle toujours de guerre, de maladie, de famine. Mais ce n'est pas un continent de catastrophes. C'est le berceau de l'humanité, et en ce sens il a son mot à dire dans le concert des nations», revendique Saïdou Abatcha, qui servira son Cocktail d'humour en mars à l'Espace culturel des Terreaux. «Les Africains rient beaucoup de leur propre misère», nuance le metteur en scène genevois Michel Faure, rencontré au début du mois à l'Echandole, à Yverdon. Il y présentait Nazali Kinshasa («Je suis Kinshasa»), spectacle farci d'autodérision où six comédiens congolais dépeignaient l'art de la débrouille des Kinois non sans rappeler les traumatismes, les viols, les déplacements de populations.
S'amuser, enfin, de nos différences culturelles. La Vaudoise Anne Compagnon en a fait l'expérience ce mois-ci avec La légende baoulé, texte de Michel Beretti monté avec la complicité de deux comédiens ivoiriens: «Parfois, on ne comprenait pas nos expressions respectives. On a joué avec ça. On a vraiment vécu la francophonie!»
Tracas administratifs et financiers
Malgré cet engouement, la présence africaine reste timide sur nos scènes. La faute, en premier lieu, à des tracas administratifs et financiers: «Il est compliqué de faire venir des artistes africains en Europe, du fait de la baisse des budgets culturels et de la complexification des démarches, notamment pour les visas», explique François Dubois, qui animera bientôt ses marionnettes à fils togolaises à Lausanne. Frilosité des programmateurs, aussi? Michel Faure en est convaincu. «On me reproche de faire du théâtre ethnographique, qui n'intéresse que le public de là-bas.»
D'autres, au contraire, dénotent une réelle curiosité: « La fortune de Jeanne est le spectacle de notre compagnie qui a le plus tourné depuis sa création», rapporte François Dubois. À Vidy, Vincent Baudriller se fait ambassadeur de la scène africaine. «Ça me passionne. Il y a une énergie, un rapport au monde, quelque chose de très puissant qui émerge dans les nouvelles générations. Les jeunes artistes n'essaient pas de reproduire ce qui se fait en Europe, mais créent un langage à eux.»
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