Cannes 2017

Pour le réconfort : un trip bouleversant à l’ACID

Vincent Macaigne ausculte la France avec un caméscope et des comédiens dévoués et signe un des plus beaux films du festival.
Pour le rconfort  un trip bouleversant à lACID

L’aventure Pour le réconfort a commencé il y a 4 ans et des poussières. A une époque où François Hollande, notre ancien président (souvenez-vous) était encore au-dessus des 1,5% d’opinions positives et où Edouard Philippe était avant tout un type avec deux prénoms. C’était avant les attentats bien-sûr et avant l’état d’urgence, bien parti pour durer aussi longtemps que la série (15 saisons quand même). C’était avant tout cela, mais ça ne veut pas dire que ça allait bien. C’est important de le souligner parce que ce malaise est permanent dans le premier long-métrage de Vincent Macaigne, présenté à Cannes en séance spéciale dans la sélection ACID.

En filmant à Orléans les retrouvailles de deux rentiers oisifs exilés outre-Atlantique avec leurs amis d’enfance, d’origine modeste, Macaigne s’attaque frontalement à la fracture française chère à Jacques Chirac. Il opère à cœur ouvert. Dès le premier plan, une conversation skype qui nous parvient pixélisée depuis New York, on sait qu’on va aimer. Pourtant le contexte est dur. Les paroles aussi entre ces adultes qui essaient de comprendre ce qui leur arrive ou, plutôt, de définir ce qu’ils essaient de comprendre. Pour cela il faut parler, c’est évident. Il faut parler en dépit des blessures, des rancœurs, des jalousies, des échecs et même des réussites. Pour faire simple, dire des choses compte plus que ce qu’elles disent. Dans Pour le réconfort, la parole est un sport d’endurance. Comme le dit Vincent Macaigne, c’est "un film d’action-réflexion". C’est à dire que l’action naît des mots soufflés, hurlés, crachés à la gueule de qui veut bien les entendre. On parle comme on se bat et dans la mesure du possible, on encaisse.

"Pour commencer à vivre dans le présent, il faut d'abord racheter notre passé", peut-on entendre dans La Cerisaie, pièce de Tchékov qui a inspiré le film. Il est peut-être là le problème de Laurent, d’Emanuel, de Pauline et des autres. Comment vivre dans le présent, plutôt que de courir derrière ? C’est d’autant plus urgent que l’avenir n’est pas jouasse. "L’avenir c’est les vieux", dit à un moment Emmanuel, qui s’y connaît en la matière vu qu’il est directeur d’une maison de retraite et qu’il est en passe de régner sur un mini empire de l’immobilier pour retraités. Le lotissement du troisième âge qu’il bâtit semble destiné à s’étendre sans fin comme dans un roman de Ballard. C’est peut être aussi ça Pour le réconfort : un film d’anticipation politique. Une SF. Comment fait-on face dans le monde de science-fiction qui est le nôtre ? Le film propose en creux une ébauche de réponse : il faut rester grouper. En dépit des menaces, des insultes, des trahisons, des bagarres, ses personnages ne se quittent jamais. Ils résistent ensemble. Il est là le réconfort.