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Sous l’emprise visuelle d’Anne Rochat

 Anne Rochat, Prix Manor Vaud arts visuels 2020, a été invitée à présenter son travail au Musée cantonal des beaux-arts, à Lausanne.

Une fois catapulté dans l’univers visuel et performatif d’Anne Rochat, le corps tout entier arrête de penser à lui. La pensée se fige, le geste s’oublie, on est totalement au ralenti et hypnotisé par les images en mouvement projetées au Musée cantonal des beaux-arts, à Lausanne. Ironie de l’histoire, ce sont des corps affirmant leur présence que l’artiste met en images. Celui d’une nageuse qui lutte contre le courant d’un fleuve sur lequel la grisaille d’une mégapole chinoise a déteint. Celui d’une marcheuse traversant une étendue d’eau sans fin. Ou encore celui d’une figure aussi hiératique que statique qui scrute l’horizon à perte de vue. C’est elle, toujours elle. Elle marche, inlassablement. Elle nage. La régularité est celle du métronome, entêtante, et les dimensions celles de l’immensité, réduisant l’idée du temps qui passe à une alternative subsidiaire.

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Et qui accepte de se perdre dans les perspectives d’Anne Rochat rejoint une autre dimension. Aérienne, subliminale, romantique mais aussi poétiquement grinçante. Réalisées en Chine, à Lausanne, à Berlin, ou encore en Bolivie, huit projections dialoguent sur une bande-son, orchestration symphonique des sons de chacune, dans cette salle où l’artiste est invitée en Prix Manor Vaud 2020. D’une performance à l’autre, les géographies diffèrent, comme le fil narratif, mais l’ensorcelante unité des images capitonne l’atmosphère.

L’ailleurs, c’est sa came!

Très vite, on oublie l’idée, voire la sensation d’être dans une exposition. Il n’y a aucune échappée possible vers l’extérieur: on est dans une chambre d’images, otage consentant d’une transe amplifiée par la trentenaire. Formée à l’Écal, la Combière qui a conçu sa première exposition dans une galerie de 1 m3, avant d’étreindre les grands espaces, vit et travaille à Berlin. Mais c’est avec l’ailleurs qu’elle œuvre: «Ce laboratoire de recherches à ciel ouvert qui est un égarement indispensable pour concevoir un projet artistique.» Et cet ailleurs ne se cristallise pas sur les terres lointaines, c’est également une notion, une quête d’absolu, comme un désir de liberté que l’«artiste-nomade» matérialise en donnant de sa persévérance. Et surtout de son endurance.

Anne Rochat lors de sa performance à la nage en Chine.

On se souvient de son intervention au Musée Jenisch, à Vevey (avant le grand chantier de sa rénovation), où elle arrachait une moquette de ses dents. On la retrouve, avançant moins vite qu’un escargot dans un smog chinois, portant une pile de casques de chantier en équilibre fragile sur sa tête. On l’observe, immobile sur un rocher, à la façon du «Voyageur au-dessus d’une mer de brouillard» du peintre Caspar David Friedrich, ode au romantisme. On la suit encore dans sa traversée du Salar d’Uyuni en Bolivie, vaste désert de sel: 120 kilomètres avalés en vingt-quatre heures. La performeuse se filme parfois, souvent elle est filmée par son équipe, et les images, toujours, saisissent l’énergie. La sienne, intime, qui se fond avec celle, plus universelle, de l’environnement qu’elle traverse.

La performeuse aime le rythme de la marche, cet éternel recommencement. Elle a sélectionné des extraits de son travail réalisé ces dix dernières années pour l’exposition lausannoise.

Avec son double

À la voir, menue, Anne Rochat n’a pas le métabolisme de la superwoman, mais il y a de l’aventurière, de l’exploratrice autant que du promeneur solitaire dans cette intrépide qui ne recule ni ne faillit devant l’inconfort. C’est même sa came! En tombant sa veste aux couleurs disco, la performeuse l’avoue: «Le corps réagit à ces paysages, j’aime me laisser prendre dans la routine de la marche ou de la nage: il n’y a plus que ma volonté de vivre qui existe.» Ses marches artistiques peuvent durer des heures, sans parler de la préparation, mais le temps n’est pas là pour arbitrer la performance, il la couve. Il l’esthétise tel un filtre de beauté face à cette «expérience du vide».

«Le corps réagit à ces paysages, j’aime me laisser prendre dans la routine de la marche ou de la nage: il n’y a plus que ma volonté de vivre qui existe.»

Anne Rochat, artiste

L’artiste ne la vit pas seule! Doris Magico, son double en plus punk, son avatar artistique qui l’accompagne depuis 2009, ce personnage rêvé depuis l’enfance, est là… mais pour la dernière fois. On la voit encore à l’image, on l’entend, mais sa respiration bute sur les bandes de latex qui emprisonnent son visage: elle vit ses dernières heures en boucle. Une mort et une renaissance à la fois. «D’autres personnages vont venir, glisse Anne Rochat, le désir est là. »

Anne Rochat, Prix Manor Vaud arts visuels 2020, a sélectionné des extraits de son travail réalisé ces dix dernières années pour l’exposition lausannoise.

Lausanne, Musée cantonal des beaux-arts
Jusqu’au 14 février 2021
www.mcba.ch