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30e Francophonies en Limousin

«Seuls», un solo à plusieurs de Wajdi Mouawad

Wajdi Mouawad n’a pas fini de nous surprendre. Les Francophonies l’ont vu naître. A la 30e édition du festival, le metteur en scène qui compte sur la scène internationale y a fait un triomphe. Dans Seuls, le Libano-Québécois se dédouble d’une manière fascinante et troublante. Sa sociologie de l’imaginaire s’interroge sur son existence marquée par l’exil et sur notre raison d’être dans le monde d’aujourd’hui. Un monologue de deux heures qui rassemble une multitude de voix intérieures.

Wajdi Mouawad dans sa pièce "Seuls", présentée à l'Opéra théâtre à Limoges dans le cadre des 30e Francophonies en Limousin.
Wajdi Mouawad dans sa pièce "Seuls", présentée à l'Opéra théâtre à Limoges dans le cadre des 30e Francophonies en Limousin. Christophe Péan
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Un lit, une chaise, une valise et un mur. Dans ce nulle part nommé exil, le Libano-Québécois Wajdi Mouawad monte presque nu sur scène, humblement habillé d’un boxer short noir et des petites lunettes rondes : « Mesdames et messieurs, je tiens d’abord à vous remercier de me donner la parole ».

La phrase résonne comme une réponse tonnerre à une polémique virulente qui agite depuis deux ans la France et le Québec. En 2011, Mouawad avait confié le rôle du chœur dans sa trilogie Des femmes à son ami Bertrand Cantat, condamné en 2003 à huit ans de prison pour la mort de sa compagne, l’actrice Marie Trintignant. Face à une controverse violente, Mouawad a été contraint d’annuler la participation du chanteur français pour ne pas provoquer le boycott de son spectacle. Coïncidence, ce lundi 30 septembre, Cantat prépare son grand retour sur la scène musicale avec la sortie d’un single coécrit avec Mouawad au Liban.

La sociologie de l'imaginaire

Mais l’homme qui a prononcé cette phrase sur scène n’est pas Wajdi Mouawad, c’est Harwan, fils d’un Libanais qui a fui avec sa famille son pays en guerre pour se réfugier au Québec. Aujourd’hui, il est en train de chercher désespérément une conclusion pour sa thèse de 1 500 pages qui n'en finit pas. Son travail de sociologie de l’imaginaire questionne « le cadre comme espace identitaire dans les solos de Robert Lepage ». Et le voilà prisonnier de sa vie déchirée entre le Liban et le Québec, entre l’exigence du monstre sacré du théâtre québécois et son père qui n’arrête pas à regretter son pays natal, le Liban.

Wajdi Mouawad a quitté le Liban et la langue arabe sous les bombes en 1978, à l’âge de onze ans. Il a passé son adolescence en France et ses années de jeune adulte au Québec. Aujourd’hui, il vit à nouveau en France. Dans Seuls, il assure le rôle d’acteur, de metteur en scène, de plasticien, de poète et de peintre. Ainsi, il nous entraîne « seuls » dans les fondements de sa propre vie : l’exil, la quête de l’identité, l’acceptation de la différence, les racines qui ne s’enracinent pas, l’image de soi…

« Mon arabe risque d’aggraver son coma ! »

Dans Seuls, c’est dans un photomaton, le lieu où l’on fabrique son image pour ses papiers d’identité, que Harwan reçoit la mauvaise nouvelle que son père se trouve dans le coma après un accident vasculaire cérébral. Sur scène, cela donne une décharge d’émotion aussi forte qu’une exécution sur une chaise électrique. Et que faire lorsque les médecins lui prodiguent le conseil de continuer à parler à son père immobile « comme avant » (« mais on n’avait pas parlé ») et si possible dans la langue maternelle du père que le fils ne pratique plus depuis longtemps ? « Mon arabe risque d’aggraver son coma ! »

La langue perdue resurgit avec les rêves expédiés… Cela fait longtemps que Herwan a cessé de compter les étoiles sans les pointer avec le doigt. L’étoile filante de l’enfance s’est transformée en candidature pour un poste de professeur à l’université.

Le lieu de tous les possibles

Wajdi Mouawad fait travailler notre imaginaire d’une façon extraordinaire, avec des formes théâtrales surprenantes, attachantes, éprouvantes. Un jeu subtil de dédoublement et de passe-muraille : sa personne projetée sur le mur agissant en contrecourant de ses actes sur scène, mais il y a aussi des dédoublements par internet, téléphone à roulette ou par la peinture corporelle… La vidéo, le décor, les voix-off, la musique, tout se chevauche et se mélange, traverse les frontières, pour finir dans un délire ultime où le désespoir se crève les yeux et explose le corps dans des couleurs éclaboussés. La couleur et le corps comme le lieu de tous les possibles. Seuls, un merveilleux solo à plusieurs.

Crédit affiche : Cédric Gatillon.
Crédit affiche : Cédric Gatillon.

 

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30e Festival des Francophonies en Limousin, du 26 septembre au 5 octobre 2013.

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